L’étang de Montpercher… Historique de H. Delétang repris du site internet http://www.archeoforet.org/ouvre/result/etang/index.htm. |
Sur le massif Chambord-Boulogne (Loir-et-Cher), ils sont onze, en eau actuellement. Au moins trois autres sont à sec.
Les étangs répondent au besoin de protéines, à une époque où la consommation de viande était peu fréquente parce que rare et chère. Si tout un chacun est d’accord sur cette évidence, la date de leur construction suscite davantage d’interrogations. Mon propos n’est pas de clore le débat, simplement d’apporter un élément nouveau issu de la mise en relation, cette fois encore, des archives et du terrain.
Mais laissons la parole à J. Martin-Demézil :
Il mentionne une « composition en date du 9 novembre 1255, entre le prieuré [de Boulogne] et le comte de Blois, au sujet des étangs de Chambord et de Montfrault… L’étang de Montfrault peut être l’étang du Parc, l’étang des Fontaines ou l’étang de Montpercher… Tous trois sont mentionnés dès le XIVe siècle (état des revenus et charges du Comté de Blois).
Les deux premiers étaient plutôt des mares que des étangs. Quant à l’étang de Montpercher… ses proportions beaucoup plus importantes m’inclinent à penser que c’est de lui qu’il s’agit ici ».
En référence au texte précédent, on peut dire que l’étang de Montpercher existait au XIVe siècle. Avec les précautions d’usage, on peut admettre qu’il existait en 1255, et probablement avant puis qu’il en serait question à cette date.
Le recours au terrain apporte un nouvel éclairage. Le plan ci-contre montre les parcelles du domaine de Montfrault situées les plus à l’est. Le parcellaire le plus proche de l’étang commence, au nord de celui-ci au niveau de la queue (l’extrémité opposée à la digue). Il prend ensuite la direction de l’ouest, oblique vers la chaussée (la digue), descend en contrebas de celle-ci, et, sitôt la chaussée dépassée, oblique à nouveau vers l’est pour atteindre l’extrémité du « Grand Fossé de Montbénard ».
Si le parcellaire contourne l’étang, c’est que l’étang était déjà en place lors de la construction des talus.
« A la même date d’avril 1233, Gauthier d’Avesnes donne à la maison de l’Aumône de Blois une rente de huit muids de froment… en échange du château de Montfrault, et ses appartenances, terres, vignes, etc. ».
En 1233 (date proche de celle avancée ci-dessus : 1255) donc, le comte de Blois reprend le territoire de Montfrault antérieurement aliéné. Autour, la forêt lui appartient. En 1233, les deux grands territoires des moines sont enfermés de talus et de fossés depuis plus de trente ans et Montfrault l’est aussi. Si ce n’était pas le cas, cela voudrait dire que le comte, intégrant ce domaine dans son bien, aurait eu pour première volonté de faire édifier des parcellaires sur des limites qui n’ont plus lieu d’être. Absurde.
Dernier point. Entre le mur de Chambord et l’étang de Montpercher, aux environs de la flèche noire sur le plan ci-dessus, on découvre un sol complètement chaotique : trous vastes, et profonds de 2 à 3 mètres ; déblais importants massés sur les bords, accroissant cette impression de chaos. Rien que de très banal, direz-vous. Oui, sauf qu’à travers les trous et les bosses, descendant et remontant les pentes, talus et fossé joints, le parcellaire de Montfrault va son bonhomme de chemin, sans être le moins du monde interrompu. Les excavations étaient déjà en place lors de la construction du parcellaire.
La morphologie des fosses est sans rapport avec une extraction de minerai. Les déblais en bourrelets laissent envisager un prélèvement de matériaux situés sous une épaisse couche de « terres mortes ». Qu’y a-t-il au fond ? Deux chablis récents permettent de répondre : ce niveau du sol est fait d’une argile compacte, peu ductile, à graviers. Prélèvement d’argile, donc, à une époque antérieure à la construction du parcellaire de Montfrault, comme lui est antérieure la construction de la digue de Montpercher. Il me semble raisonnable de lier ces extractions à la construction de la digue, haute de plus de quatre mètres en son centre et longue de deux cent cinquante mètres.
Ce que je connais des archives, à travers les travaux de J. Martin-Demézil, lié à ces constats de terrain, situe avec certitude la fondation de Montpercher à une date antérieure à 1233. Si quelqu’un pouvait découvrir, sur quelque parchemin, quand le domaine de Montfrault a été clos de fossés, nous aurions une date de fondation encore plus précise,… et plus lointaine.
Éléments de Bibliographie :
H. Delétang, De l’histoire à l’archéologie : les premiers étangs de Sologne, Bulletin du G.R.A.H.S., t.12, fascicule 3-4, p. 41-52, 1990.
L. Magiorani, Les moulins et l’étang de Chambord, à partir de 1248, sur ce site.