Obligation du port du casque, la fausse bonne réponse

Après un sénateur de l’Eure, voici une députée « Nouvelle Gauche » de Saône-et-Loire, madame Cécile Untermaier, qui remet le couvert via une question posée au ministère des Transports. Une question publiée au Journal Officiel le 17 juillet 2018 et que @EmmanuelSPV signale sur Twitter.

Revoilà une question de députée sur le casque @oschneider_fub « Alors qu’un plan vélo est attendu à la rentrée dans le cadre de la future loi d’orientation des mobilités, celui-ci serait l’occasion de rendre obligatoire le port du casque à vélo. » pic.twitter.com/sLgHrKUGKn

Selon elle, « l’efficacité du port du casque ne fait plus aucun doute » et il faudrait profiter du futur « plan vélo » dans le cadre de la loi d’orientation des mobilités, de rendre celui-ci obligatoire pour tous les cyclistes.

Pour étayer ses propos, elle cite une étude parue en 2017, réalisée par deux épidémiologistes de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud en Australie. Un état australien qui a justement instauré depuis de nombreuses années une loi qui impose le port du casque à vélo.

Diminution de l’usage du vélo

Il est vrai que si l’on ne regarde que les faits et surtout uniquement les chiffres, oui, on ne peut que constater une baisse des blessures à la tête lors d’un accident impliquant un cycliste. Mais ce type de mesure a malheureusement un autre effet beaucoup plus négatif…

« le port du casque renforcent l’idée que le cyclisme n’est pas un moyen pour se déplacer au quotidien » En 1993, la Nouvelle-Galles du Sud a commandé une étude pour voir si une nouvelle loi sur le port du casque par les enfants augmentait l’usage du casque. Ce fut le cas. Mais les chercheurs ont également constaté une diminution de 30 % des enfants se rendant à l’école à vélo ! En Nouvelle-Zélande, où la contrainte du port du casque a été introduite dès 1994, le nombre total de trajets à vélo a chuté de 51 % entre 1989-1990 et 2003-2006.

Les raisons sont mixtes : certaines personnes ne veulent tout simplement pas s’embêter avec un casque. Pour d’autres, les lois sur le port du casque renforcent l’idée que le vélo n’est pas un moyen pour se déplacer au quotidien, mais plutôt une activité spécialisée nécessitant un équipement spécial de sécurité.

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Et si une loi signifie moins de cyclistes, elle pourrait aussi avoir un effet inverse de « sécurité par le nombre » : Moins de cyclistes sur la route pourrait exposer ceux qui restent à un risque plus individuel. En d’autres termes si l’on souhaite plus de sécurité pour les cyclistes, celle-ci ne peut arriver que s’il y a un nombre conséquent de cyclistes dans nos rues, et plus il y aura de cyclistes moins il y aura d’accident.

« les bénéfices sanitaires liés à la pratique du vélo en ville sont largement supérieurs aux risques associés »

Madame la députée, si vous êtes une adepte des chiffres, nous vous conseillons la lecture de cette étude, qui elle est européenne. Elle a été réalisée par un groupe de recherche, le consortium TAPAS (Transportation, Air pollution and Physical ActivitieS).

Les résultats démontrés par cette étude sont très clairs. Malgré le risque d’accident accru dû à la vitesse des véhicules motorisés, malgré l’augmentation de l’inhalation de polluants atmosphériques (toujours dû aux véhicules motorisés), les bénéfices sanitaires liés à la pratique du vélo en ville sont largement supérieurs aux risques associés.

Réponse liberticide, déresponsabilisante et sécuritaire

Même la FUB, la principale association française des usagers de la bicyclette, est férocement opposée à toute législation qui tendrait à rendre obligatoire le port du casque à vélo.

Ce type de mesure est contre-productif et demeure une très mauvaise réponse au problème de l’insécurité des cyclistes en milieu urbain, car elle va dissuader au déplacement à vélo, alors même qu’il faut au contraire encourager ce mode de transport. C’est une réponse liberticide, déresponsabilisante et sécuritaire.

Renforcer la sécurité des cyclistes, ce n’est pas tous les forcer à porter un casque, c’est avant tout diminuer la vitesse des véhicules motorisés en ville, c’est prendre des mesures pour améliorer la qualité de l’air, c’est réaliser des infrastructures cyclables qualitatives, c’est favoriser les modes de déplacements actifs (marche, vélo, trottinettes…), c’est encourager la multimodalité (train+vélo), c’est tout simplement adapter l’espace public à l’usage du vélo.

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