Repris du site internet https://reporterre.net/Plutot-que-de-soutenir-le-velo-des-senateurs-veulent-imposer-le-casque
Plutôt que de soutenir le vélo, des sénateurs veulent imposer le casque
135 euros pour non-port de casque à vélo : c’est la proposition de loi défendue par un groupe de parlementaires centristes. Cette amende dissuaderait l’usage du vélo, selon des associations de cyclistes.
Faudra-t-il bientôt s’équiper d’un casque à vélo, sous peine d’amende ? C’est le souhait d’une proposition de loi examinée par le Sénat le 5 janvier. Portée par un groupe de parlementaires centristes, elle vise à « renforcer la sécurité des cyclistes modernes » en rendant le port du casque obligatoire « à tout conducteur d’un véhicule à une ou plusieurs roues » — vélos musculaires ou électriques, trottinettes ou autogires. Les contrevenants pourraient écoper d’une amende de 135 euros.
« Je me suis aperçu de l’explosion de l’utilisation en ville des véhicules à deux roues, avec des usagers qui prennent souvent des risques et qui, pour une grosse moitié, ne porte aucun casque, explique François Bonneau, sénateur de Charente et auteur du texte. Le casque peut sauver des vies et éviter des accidents graves. » Le groupe centriste se fonde sur les chiffres des accidents de la route : en 2019, sur 187 cyclistes tués et 4 783 blessés, la moitié ne portait pas de casque. « Le risque pour un cycliste d’être victime d’un accident est trois fois plus élevé que pour un automobiliste, confirme le site de la Sécurité routière, et les blessures les plus graves touchent la tête. »
« Si on suit la logique de ces sénateurs, il faut surtout rendre le port du casque obligatoire pour les piétons »
Un argument qui agace Thibault Quéré, de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) : « Les accidents graves, mortels se produisent généralement sur des routes hors agglo, et impliquent des voitures roulant à 70 voire 80 km/h, explique-t-il. Dans ces cas-là, les casques ne protègent pas. » Selon une étude de l’institut Ifsttar [1], mise en avant par la FUB, « 47,5 % des cyclistes blessés sont surtout atteints aux bras, 32,6 % aux jambes, 23,3 % au visage et seulement 16,9 % à la tête ». Au total, en dix ans d’étude, seuls 1,09 % des blessés souffraient de lésions graves à la tête, potentiellement fatales. À l’inverse, sur 4 000 piétons blessés gravement, 84 % étaient touchés à la tête. « Donc, si on suit la logique de ces sénateurs, il faut surtout rendre le port du casque obligatoire pour les piétons », conclut avec malice Thibault Quéré.
La « sécurité par le nombre »
Les associations vélocipédistes sont ainsi vent debout contre toute imposition du casque, « qui pourrait avoir un effet contre-productif », selon M. Quéré. « Dans les pays qui ont adopté une telle disposition, on a vu chuter le nombre de cyclistes, jusqu’à une baisse d’un tiers en Australie, explique-t-il. Or, la seule certitude qu’on a, c’est que le meilleur moyen de sécuriser le vélo est d’être nombreux : les pays les plus sûrs sont les Pays-Bas, l’Allemagne et le Danemark, où on pédale beaucoup. » En clair, plus la pratique de la bicyclette se répand, plus le risque d’accident diminue. C’est ce que les experts appellent « la sécurité par le nombre ». « Plus les cyclistes sont nombreux dans l’espace public, plus ils sont prévisibles par les autres usagers, mieux ils sont vus et plus le risque d’accident décroît », précise la FUB sur son site.
Une position partagée par le gouvernement lors d’un débat sur ce même sujet à l’Assemblée nationale, en 2019 : Élisabeth Borne, alors ministre de l’Écologie, avait rejeté l’idée d’une obligation, pour ne pas « annihiler » une pratique favorable au climat et à la santé publique. M. Bonneau dit pour sa part « douter de cet argument » : « Il existe un tel engouement pour l’utilisation des deux-roues que ce n’est pas la contrainte du casque qui va le freiner, affirme-t-il. Il y a encore beaucoup de réfractaires au casque, il faudra donc en venir à une obligation, à un moment ou à un autre. » Le port d’un couvre-chef de protection est aujourd’hui prescrit pour les enfants de moins de 12 ans.
Amoureux de la petite reine et membre de l’association Vélocité, à Montpellier, Nicolas Le Moigne estime pour sa part qu’une telle proposition de loi démontre « un échec des politiques publiques en faveur du vélo » : « Pour sécuriser les cyclistes, il faut sécuriser les pistes cyclables, apaiser le trafic en réduisant les vitesses de circulation, à 30 km/h en centre-ville, mais aussi apprendre aux enfants à rouler, comme on leur apprend à nager. C’est plus compliqué qu’une obligation du casque, mais bien plus efficace ! »
Pour les associations, l’urgence est d’« encourager la pratique du vélo », plutôt que « d’effrayer les usagers en donnant au risque d’accident une importance qu’il n’a pas dans la réalité ». La FUB rappelle ainsi que « le bénéfice de la pratique du vélo est plus de vingt fois supérieur aux risques encourus », en raison des bienfaits de l’activité physique. La bicyclette est également bien moins polluante et émettrice de gaz à effet de serre que les voitures. « Le vélo, c’est plus dangereux de ne pas en faire que d’en faire, avec ou sans casque », résume Nicolas Le Moigne. La proposition de loi sera débattue au Sénat le 13 janvier prochain.
Et l’ami Luc a pris soin d’écrire aux 2 sénateurs de Loir-et-Cher… Merci à lui.
Messieurs les Sénateurs du Loir-et-Cher,
J’habite près de Blois où j’utilise le vélo pour la plupart de mes trajets. Depuis de nombreuses année j’essaye de favoriser l’utilisation du vélo et sa prise en compte par la politique, et j’ai pris soin de me documenter de façon approfondie sur les questions de circulation, de politique des transports et de sécurité routière. J’apprends dans la presse qu’un groupe de sénateurs a introduit un projet de loi visant à instaurer une obligation du port du casque pour les cyclistes, projet à être discuté cette semaine au Sénat. Je suis étonné qu’une telle initiative ait une nouvelle fois été prise, alors que toutes les associations et fédérations pour la promotion du vélo utilitaire sont contres de telles obligations, et que les précédentes initiatives de lois de ce genre ont toujours été rejetées par l’Assemblée Nationale, ainsi que par le(s) gouvernement(s).
L’idée d’une obligation du port du casque, comme le gilet réfléchissant d’ailleurs, repose sur une perception erronée de l’origine du danger sur les routes, qui provient pour l’essentiel de la circulation motorisée. Obliger les usagers vulnérables à utiliser des équipements de protection individuelle est en effet d’abord un cache misère qui permet en premier lieu de ne pas s’attaquer aux vrais problèmes sur nos routes, et de rejeter la responsabilité de leurs blessures en cas d’accident sur ces usagers vulnérables. Or, dans d’autres domaines, l’état prend bien soin d’attribuer les responsabilités des dangers là où elles sont dues. Dans le code du travail par exemple, les équipements de protection individuelles (équivalents du casque ou du gilet pour les cyclistes) ne figurent qu’en huitième position des mesures à prendre pour réduire les risques d’accidents, la première étant bien évidemment d’éviter les risques, c’est à dire d’obliger les employeurs de supprimer le danger ou l’exposition au danger – dans la circulation routière ce sont surtout la vitesse et le poids des véhicules motorisées. Pourquoi ce principe ne s’applique-t-il pas pour la sécurisation des usagers vulnérables de nos routes ? Pourquoi ces usagers vulnérables seraient les seuls responsables de leur sécurité et ce à travers des moyens inadaptés ?
Les effets néfastes d’une obligation de port du casque sur la part modale du vélo quant à elles sont bien connues. Dans les pays qui ont instauré de telles obligations, les effets positifs sur la sécurité des cyclistes ne se sont jamais manifestés, par contre le nombre de cyclistes a systématiquement chuté. Le casque et le gilet donnent du vélo la fausse image d’activité dangereuse, et dissuadent de nombreuses personnes de s’y mettre. Par contre, les pays où on fait le plus de vélo, y compris parmi les enfants et les personnes âgées et qui sont aussi les plus sûrs pour les cyclistes- par une politique globale et cohérente en faveur du vélo comme moyen de transport – le port du casque se limite exclusivement aux cyclistes sportifs (qui portent déjà massivement le casque en France également). J’ai parlé des Pays-Bas bien sûr.
Plutôt que de prendre de telles initiatives contreproductives, le Sénat devrait s’employer à soutenir réellement le vélo comme mode de déplacement, et améliorer la sécurité des cyclistes en s’attaquant à la vraie source du danger sur nos routes, la circulation motorisée. Je vous prie donc de voter contre cette proposition de loi, et de discuter avec vos collègues des véritables mesures et initiatives à prendre pour améliorer la sécurité des cyclistes et permettre au vélo d’avoir la place qu’il devrait avoir dans la circulation.
Je vous prie d’agréer, Messieurs les Sénateurs, mes respectueuses salutations.
Luc Rioland
Suite : Les sénateurs écologistes répondent et prennent le dossier en main.
Le sénateur Jacques Fernique a bien pris connaissance de votre sollicitation et vous en remercie.
Il sera chef de file pour le Groupe Écologiste du Sénat de la proposition de loi n° 761 relative au port du casque à vélo et dans le cadre d’autres moyens de transport, déposée par le sénateur François Bonneau et d’autres sénatrices et sénateurs de l’Union Centriste, et prévue en séance le jeudi 13 janvier.
M. Fernique travaille en étroite collaboration avec les organisations fédérant collectivités et usagers du vélo, telles que la Fédération des Usagers de la Bicyclette, le Club Villes et Territoires Cyclables et Marchables, et l’Académie des experts en Mobilités Actives, en tant que Co-Président du Club des élus nationaux pour le vélo.
Si les leviers pour accroitre la sécurité des cyclistes sont capitaux et encore bien insuffisants, il ressort de nombreuses études et expérimentations dans d’autres pays, que l’obligation du port du casque est contreproductive. Bien que le casque permette d’éviter des lésions graves dans certaines situations, instaurer son obligation a davantage pour conséquence de décourager la pratique du vélo, et donc de diminuer les bienfaits liés à la santé et les effets positifs de la sécurité par le nombre. Un rapport de l’OCDE a montré que plus il y a de cyclistes, moins il y a tendance à y avoir d’accidents mortels à vélo. Ainsi, le risque d’accident et de mort par kilomètre parcouru est en forte baisse en France depuis 10 ans, grâce à l’augmentation de la pratique.
L’encouragement à la pratique du vélo et la création d’un « système sûr », approche mise en œuvre au Royaume Uni dans son plan vélo, et prônée par l’UE, est à privilégier. Cela implique notamment, le développement des infrastructures cyclables en et hors agglomération, la généralisation des radars à vision directe pour éviter les angles morts, l’apprentissage obligatoire du savoir rouler à vélo, et l’apaisement des villes en privilégiant le 30 km/h en agglomération.
M. Fernique et le Groupe Écologiste du Sénat s’opposent donc à cette proposition de loi en ce qu’elle n’atteint pas l’objectif escompté d’amélioration effective de la sécurité des cyclistes. Pour cette raison, a été déposé un amendement de suppression de l’article que vous pouvez trouver ici.
Bien cordialement,
Le Sénat rejette l’obligation du port du casque à vélo
https://www.youtube.com/embed/T3OrPDPNdwY Jérôme Durain explique le rejet par le Sénat de la PPL casque obligatoire 03:18
Une proposition de loi centriste entendait « généraliser le port du casque obligatoire » aux cyclistes, mais a été rejetée par le Sénat ce jeudi. Les sénateurs se disent tous en faveur d’un effort pédagogique sur le port du casque, mais voient dans une obligation légale une mesure contre-productive et qui ne relève pas de la compétence du Parlement.
Le 13 jan 2022 Par Louis Mollier-Sabet 3mn
« Nous voulons le port du casque, c’est un impératif de santé publique. Les études sont accablantes, porter un casque c’est protéger sa santé » clarifie d’emblée Jérôme Durain, rapporteur socialiste de la proposition de loi (PPL), qui a donc proposé au Sénat de rejeter la « PPL » de François Bonneau (UC). Sur le fond, tout le monde semble d’accord : le casque protège à vélo et il faut que les cyclistes et les utilisateurs de vélos ou autres trottinettes électriques le portent le plus possible. Mais Jérôme Durain a identifié deux problèmes qui ont conduit le Sénat à rejeter l’obligation légale de port du casque, telle que proposée par François Bonneau et groupe centriste.
« L’obligation du port du casque est désincitative à la pratique du vélo »
Premièrement, une difficulté d’ordre technique et législative. Enfin, réglementaire, puisque d’après Jérôme Durain, rendre le casque obligatoire à vélo ainsi que prévoir les amendes relève du domaine du règlement et pas de la loi. « Ce n’est pas le travail des parlementaires de régler cette question, explique le sénateur socialiste. C’est de l’ordre du réglementaire et du travail du gouvernement, nous sommes hors compétence. » En effet, certaines mesures sont votées par le Parlement et intégrés dans la loi, c’est ce que l’on appelle le domaine législatif, qui fixe les principales orientations légales. Tandis que d’autres sont précisées par arrêtés, décrets ou ordonnances directement par le gouvernement, ce que l’on appelle le domaine du réglementaire. En l’occurrence, une telle réglementation du Code de la route relève bien du domaine réglementaire, et ce n’est donc pas au Sénat ou à l’Assemblée nationale de voter de tels dispositifs.
Deuxièmement, sur le fond, l’obligation du port du casque, ferait « diminuer la pratique du vélo » d’après Jérôme Durain. « Alors même que les bienfaits de la pratique du vélo sont majeurs du point de vue écologique et de santé publique » précise le sénateur socialiste. Ainsi l’obligation du port du casque serait « désincitative » à la pratique du vélo, ce qui serait contraire à l’effet recherché. Un coup pour rien alors ? Pas vraiment pour Jérôme Durain, qui se félicite d’avoir « interpellé » le gouvernement par la « dimension d’appel » de ce texte, afin d’alerter sur le travail de pédagogie à mener à propos du port du casque à vélo.
A SUIVRE … SANS AUCUN DOUTE…