LE PLUS. Teodoro Bartuccio, manager général du vélo club de l’agglomération du Bourget, a créé le mouvement citoyen « Mon vélo est une vie ». Son but est de lutter contre les incivilités des automobilistes envers les cyclistes. Le week-end dernier, plusieurs centaines de personnes se sont mobilisées dans différentes villes françaises afin de mobiliser les pouvoirs publics. Pour cet amoureux du vélo, pédaler n’est pas sans danger, mais des solutions existent.
Les accidents de vélos sont de plus en plus nombreux, en ville comme à la campagne. (J. Pachoud/AFP)
Mon amour pour le cyclisme a commencé il y a trente ans quand j’étais encore gamin. Je faisais presque tout à vélo, mes trajets quotidiens, mais aussi des compétitions. Désormais, cette passion fait encore partie de ma vie, car à 38 ans, je suis directeur sportif du vélo club de l’agglomération du Bourget.
Il y a tout juste un mois, j’ai décidé de créer « Mon vélo est une vie ». J’avais constaté sur les réseaux sociaux qu’il y avait de plus en plus de cyclistes victimes d’agressions et le 26 mai 2017, suite à un accident d’une personne de mon entourage qui s’est fait faucher par un camion, j’ai lancé ce mouvement citoyen.
Ce n’est pas le décès de quelqu’un qui devrait provoquer cette action, mais j’ai vraiment été touché par la mort de ce cycliste que je croisais régulièrement sur les courses.
À partir de cet instant, je me suis dit qu’un accident pourrait arriver à mes enfants, à mes amis, à n’importe quel instant partout et il fallait faire quelque chose pour que les choses bougent.
Faire du vélo aujourd’hui n’est pas rassurant
Aujourd’hui, la situation s’est réellement dégradée. J’ai l’impression de ne plus avoir ma place de cycliste sur la route. C’est comme si j’étais de trop. Avant, je partais faire du vélo avec une impression de liberté et d’insouciance… Maintenant, c’est complètement différent.
Il faut toujours faire attention à ce qu’il se passe autour de nous, que ce soit en ville, ou en pleine campagne. Il n’y a pas une sortie où je ne me fais pas klaxonner, insulter ou frôler.
Dans les zones rurales, en ligne droite, quand j’entends des voitures derrière moi, j’ai peur que le conducteur ne se décale pas ou vienne me frôler. On ne devrait pas partir faire du vélo, et se dire qu’il y a toujours un risque. Le vélo est pour nous un mode de déplacement, une façon de se libérer, de faire du sport, et malheureusement, la pratique se dégrade.
Les grandes villes mettent des infrastructures en place, même si elles ne sont pas parfaites. Mais c’est dans les campagnes que c’est le plus dangereux, car il n’y a aucune signalisation. C’est là que nous devons travailler avec le ministère, mais aussi avec les autorités locales pour faire de la prévention. S’il faut montrer des images chocs pour marquer les esprits, nous le ferons. Une vraie répression pour les conducteurs qui ne respectent pas les cyclistes doit être mise en place.
Malgré mes précautions, une voiture ne m’a pas évité
Il y a dix ans, je roulais avec un ami à côté de Vincennes, car il y a un parcours pour cyclistes là-bas. À un carrefour où nous avions la priorité, un automobiliste nous a coupé la route, je me suis fait renverser et j’ai fini dans le pare-brise.
Résultat, une clavicule cassée et un traumatisme crânien. Le gars s’est arrêté, car il n’avait pas le choix, on était en plein milieu d’un carrefour, mais sa seule réaction était d’être outrée, car sa voiture était cassée. On voit la mentalité des gens…
Il y a une campagne à faire auprès des automobilistes et des cyclistes, car au fil des années, on s’aperçoit qu’il n’y a plus de partage et de cohabitation entre les deux types de transports.
Les automobilistes et les cyclistes doivent réapprendre à vivre ensemble
Beaucoup de personnes ne connaissent pas la réglementation. Quand nous sommes deux par deux en peloton, les gens viennent nous voir pour nous dire qu’on n’a pas le droit de faire cela. C’est totalement faux, car le code de la route l’autorise.
Il faut aussi toujours garder un mètre et demi de distance de sécurité entre une voiture et un vélo et ce n’est jamais respecté. Les voitures doivent comprendre que nous sommes en danger permanent sur un vélo dès qu’il y a un choc.
Mais il ne faut pas non plus dire que tous les automobilistes essayent de nous renverser. Il y a des mauvais élèves des deux côtés. Dans notre communauté, il y en a beaucoup qui ne respectent pas le code de la route. À Paris, certains cyclistes grillent les feux rouges sans même freiner, c’est inconscient.
Dans mon école de vélo, les cours sont séparés en deux parties : un côté sportif, et un côté sécurité. C’est tout simplement l’apprentissage du code de la route. Et quand on fait les entrainements et qu’on passe en centre-ville, on respecte les feux rouges, les stops, on serre bien à droite, on lève sa main pour tourner…
La situation ne peut qu’évoluer
La politique nationale incite les Français à pratiquer le cyclisme donc logiquement, ils vont faire quelque chose pour sa sécurité en zone urbaine et rurale. Il faut savoir que, depuis 2010, le taux de mortalité à vélo a augmenté de 9 % et les pouvoirs publics ne peuvent pas négliger ce chiffre.
L’idée était d’alerter les pouvoirs publics sur notre sécurité et de travailler avec eux pour trouver des solutions afin que tous les cyclistes soient en sécurité. J’ai donc rencontré des associations, et pas mal de fédérations pour en discuter.
Nous avons fait cinq revendications auprès de l’État et nous avons déposé une lettre ouverte au président de la République. Les cinq points majeurs de ce texte stipulent la sensibilisation, la prévention, la pédagogie, l’information et la répression.
La ministre des Sports a entendu notre message durant nos mobilisations et elle a même tweeté qu’elle agirait en conséquence. Pour le moment, on a demandé à être reçu par le ministère de l’Intérieur. Nous qui sommes des gens de terrains, nous pourrons leur apporter ce côté expert qu’on a acquis en côtoyant des cyclistes tous les jours. Il ne reste plus qu’à espérer que les choses avancent vite.
Le but n’est pas de tuer le cyclisme, mais de le développer en toute sécurité.
Propos recueillis par Adrien Bonfante.