La Loire expliquée… 3

Repris de la page Facebook « RDV au Parle-Loire »

Les inondations et l’agriculture

La Loire et son lit …  3

Les levées ont eu pour objet de libérer le lit majeur de l’envahissement des eaux. Avant leur élévation, les riverains de Loire connaissaient une économie agricole du type de leurs homologues de la vallée du Nil. L’inondation étant alors un bienfait, un apport de limons qui firent la richesse de notre Val. C’est en changeant de modèle que les humains ont souhaité d’abord préserver leurs habitations au détriment de la nécessité d’amender les terres.

La pression démographique a poussé comme partout à l’implantation de demeures là où le risque de submersion existait. Construire en zone inondable c’est parfois disposer d’un point de vue imprenable dont le risque est compensé par le privilège du point de vue. Ce n’est certes pas le cas pour tout le monde, car bien des maisons aujourd’hui sont bâties au- dessous d’une épée de Damoclès qui finira tôt ou tard par tomber. Les grandes Métropoles font fi de ce risque, préférant accroitre leur population sans prendre en compte ce qui sera un jour, une catastrophe majeure.

Le risque de crue couvre quand on examine les statistiques presque tous les mois de l’année à l’exception de juillet et août. C’est donc un risque certain pour les cultures si celles-ci se tiennent sur un lit majeur non endiguée. Cependant, les bienfaits sont largement supérieurs aux pertes éventuelles sur des récoltes qui devaient à l’époque, tenir compte de cet impondérable possible. On peut noter que lorsque les eaux se retirent, le sol bénéfice d’un apport en azote, matières organiques, phosphates, chaux, acide phosphorique, magnésie et acide carbonique.

Une bonne crue équivaut à une année d’engraissement de la terre avec épandage et engrais. Un bienfait incomparable dans une logique de développement durable en une époque où ce concept n’existait pas encore mais était dans l’ordre des choses, tout naturellement. Le seul obstacle majeur était la mise en eau des terres à l’époque des labours et des semailles, risque semble-t-il contrebalancé largement par les gains de production d’une terre immergée.

Les hautes eaux ne sont pas de nature à entraver le rendement ultérieur des près et des prairies. Le seul inconvénient étant la mise à l’abri provisoire des bêtes. Pour les céréales, seule une mise en eau au moment de la floraison était préjudiciable, ce qui, avouons- le était excessivement rare. Ainsi, sans les levées, la culture tirait bien plus de bénéfices que de désagréments. D’ailleurs dans certaines régions ligériennes, il y avait des dictons qui disaient que « Terres sous les eaux donnera plus qu’il n’en faut ! »

Les levées sont donc venues imposer une nouvelle économie, une autre manière d’envisager la Loire et ses apports. Quant aux habitations, elles se tenaient en cette époque lointaine résolument à l’écart du risque de submersion. Les terres basses du Val dans son lit majeur n’étaient pas habitées ce qui changea radicalement au XVIII° siècle notamment, ce qui demanda bien des sauvetages à nos mariniers en 1846 – 1856 – 1866 pour se porter au secours des paysans installés dans le Val dans des fermes situées à moins de 5 mètres 40 de la côte.

La colonne des mariniers de Châteauneuf atteste de la bravoure de nos anciens qui à la bourde seulement affrontèrent des flots en colère pour sauver des gens, réfugiés sur les toits de leur demeure. Durant ces épisodes, nombreux furent les bétails qui furent sacrifiés par une pression d’occupation des terres qui échappait aux précautions des générations anciennes.

Cette colonne, érigée en 1847 dans le quartier du Port, rend hommage au courage des mariniers-sauveteurs de Châteauneuf qui ont porté secours aux habitants de la région lors des inondations de la crue de 1846.

Pour les sauveteurs de l’époque, rien n’était pire endroit que la dépression latérale qui se trouve entre le lit mineur et le coteau, généralement le long d’un affluent, quel que soit sa taille, là précisément où jamais autrefois, on eut songé à placer des habitations. En ces endroits et près ruptures d’une digue, un courant redoutable s’engouffrait qui était plus redoutable que celui-là même au mitant de la Loire. Ce furent en ces endroits précisément que survenaient les accidents.

Non seulement l’endiguement de la rivière changea son rapport aux crues tout comme il modifia radicalement l’économie agricole mais de plus, cela provoqua le doublement de la vitesse du courant, le creusement du lit mineur, l’augmentation de la hauteur des crues et des risques humains tout en changeant radicalement la nature même d’une rivière qui aimait à envahir tout son Val. Ceci ne se passa pas en une seule époque et nous examinerons l’histoire de cette progressive transformation.

À suivre …

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