Un excellent article de l’ami C’ Nabum bonimenteur de Loire, à retrouver dans le club de Médiapart https://blogs.mediapart.fr/c-est-nabum/blog/120422/pile-ou-farce?fbclid=IwAR2lBQGJngHsU2d7dst-Yg0_rxi4OJRjx-6VFsb2jotjKK40VQJosUjoUPw
Et voir son blog http://cnabum.blogspot.com/
La roue libre fut une révolution qui permit de relâcher le mouvement de pédalage dans les descentes. Le vélo allait en ce temps lointain à la seule force d’un jarret qui entraînait le pignon qui cessait par la même occasion d’être fixe. Un progrès considérable qui fut suivi de l’introduction du dérailleur puis des plateaux multiples. Le vélo pensait alors avoir fait le tour des évolutions techniques, recherchant seulement des gains d’aérodynamisme et de poids. Les guidons de triathlète et l’usage du carbone ouvrirent le bal à une fuite technologique qui ne cessa de métamorphoser notre bonne vieille petite reine. Nous savions du reste plus comment l’appeler, bicyclette ou bien vélo.
Ce n’était alors qu’une question d’état d’esprit, de rapport à cette forme de mobilité qui, mis à part les rois de la pédale, se targuait d’être la spécialité des hédonistes, des flâneurs, des gens qui prenaient le temps de jouir du paysage, des cyclotouristes et autres amoureux de l’existence. Nous ne pouvions envisager que la folie de l’époque allait gagner ce microcosme bienheureux.
Puis tout a basculé quand des champions cyclistes sans état d’âme, emportèrent des courses en se faisant aider, par des petits moteurs dissimulés dans le cadre. Même s’ils ne furent pas pris la main dans la musette, il y avait plus que des soupçons sur leurs performances mirifiques. La roue allait tourner pour nous mettre le pied loin du cale pied.
Les marchands du temple songèrent que dans cette civilisation d’intoxiqués de la vitesse, l’usage du vélo classique était parfaitement obsolète d’autant plus que les aménagements urbains faisaient de cette pratique une forme de suicide assisté par l’automobile. Qu’à cela ne tienne, il convenait de placer l’engin archaïque sur le même pied que le véhicule motorisé à quatre roues.
L’assistance électrique surgit du chapeau pour provoquer un raz de marée, une mode soudaine qui toucha les agités du compteur. Un vélocipède qui évolue à trente kilomètres heure sans la moindre goutte de sueur, voilà une promesse qui allait ratisser large. Ce fut un succès fou, une forme d’hystérie urbaine qui se donna l’excuse du développement durable pour justifier cette hérésie. Les batteries ruinent les ressources en métaux rares, les engins sont fabriqués dans des nations qui insultent les droits humains, le transport des bicyclettes n’a rien à voir avec les mobilités douces et pour pimenter encore la farce, d’autres engins qui jusqu’alors n’étaient que des jeux d’enfants ou des gadgets incongrus, suivirent le mouvement électrique.
La foule de ces nouveaux adeptes de la mobilité empressée est telle que les chaussées n’y suffirent plus d’autant qu’elles étaient peu sûres. Les trottoirs furent sollicités avec des cargos toujours plus encombrants tandis que les règles du code de la route étaient bafouées et les malheureux piétons mis en danger par ces nouveaux chevaliers du fiel. Les héros de la mobilité douce exigent la place, la priorité et les passe-droits. Ils sont devenus les maîtres de la ville, les archanges de la modernité environnementale.
Que leurs coursiers soient gonflés à l’énergie nucléaire réduit singulièrement leurs prétentions écologiques. Qu’ils se conduisent comme des gougnafiers, exigeant la priorité sans jamais respecter les autres usagers démontrent que ce ne sont que des transfuges de la voiture d’antan. Ils foncent tête baissée, persuadés d’être les seuls à défendre la planète, certains de leur bon droit et fort de la morgue de ceux qui agissent dans l’intérêt de tous.
C’est sans doute ce qui leur donne le droit de mettre en danger les enfants qui jouent, les anciens qui se promènent, les véhicules garés, les usagers de la ville. Ils filent sans se soucier des autres, ce sont les nouveaux seigneurs, l’avant-garde de la révolution électrique. Ils ont raison puisqu’ils bénéficient d’une immunité honteuse, d’une bienveillance coupable ou bien impuissante des forces de l’ordre. Marcher en ville est désormais un comportement qui vous met en danger. Les roues ne sont plus libres, elles sont totalement frénétiques !
À contre-sens.