Avant les levées de la page Facebook RDV au Parle-Loire· du Jeudi 17 janvier 2019 La Loire et son lit …
Les levées ne sont pas présentes en notre Val de toute éternité. Il y eut un avant durant lequel les monticules d’alluvions formés lors des crues jouèrent un rôle prépondérant dans l’occupation traditionnelle du Val dans les temps anciens. Nul n’aurait d’ailleurs songé en ces temps lointains à bâtir sa demeure au risque de la crue. Les humains étaient sans doute plus sages qu’aujourd’hui et plus respectueux de la Nature aussi. Des mamelons, imperceptibles à l’œil nu, étaient connus de tous en cas de crues majeures. C’est là que venaient se réfugier gens et animaux. On les trouve à une altitude supérieure de 6 à 7 mètres du niveau de la Loire. C’était des terrains généralement plantés de vignes ou qui recevaient un lieu de culte ou bien encore les cimetières. La spiritualité a toujours fait bon ménage avec les endroits hors d’eau sur notre Val, c’est un point à ne pas négliger dans les repérages. Ainsi à Saint Denis en Val, la place de l’église constituait un de ces mamelons protecteurs.
Le risque de crue arrivant, l’alarme étant donnée par les rumeurs qui descendent de la Loire, chacun songe à se réfugier en ces endroits. Le bétail n’est jamais oublié. Des cordes délimitent des zones de parcage sur ces petites bosses tandis que les gens se regroupent autour de feux en attendant que passe l’alerte. Lors des grandes tragédies du XVIII ° siècle, des témoins oculaires évoquaient la vision étonnante de ces feux de camp émergeant d’un Val inondé de ces points lumineux, autour desquels se réfugiaient ceux qui se trouvaient ainsi sur de maigres îlots protecteurs.
Le Grand Val inondable, celui qui s’étend de Sully sur Loire jusqu’à l’embouchure du Loiret, là où la crue provoque une mise en eau sur des largeurs de plusieurs dizaines de kilomètres de large, l’habitat préhistorique a lui aussi respecté ces zones salvatrices. C’est ainsi que ce sont sur ces monticules que l’on découvre des vestiges d’un passé lointain : haches polies, tumulus, pierre crapaud, nécropole, trésor de Neuvy, constructions gallo-romaines ensuite. L’abbaye de Saint Benoit et l’oratoire de Germigny sont naturellement placés en des lieux qui ne redoutent pas les flots. Ce n’est certes pas le fruit du hasard.
Les lieux-dits portent encore le souvenir de ces repères essentiels pour les ligériens d’alors : « Les Hautes Bornes », « les Gros Cailloux », « La Butte aux Cailles », « La Croix des Folies » « Butte du Matroy » à Ferrolles … Des petites dunes ou buttes alluviales ont ainsi servi de recours avant que les constructions humaines de protection des eaux ne viennent s’y appuyer. Longtemps ignorés des hommes modernes, l’étude de la toponymie a permis de repérer ces lieux connus depuis l’installation humaine en bord de Loire. Ainsi le suffixe Dunum associé à un lieu-dit exprime la racine « hauteur » en gaulois. La butte sur laquelle a été construit l’antique Tours correspond à une proéminence sur laquelle autrefois venaient se réfugier les Varenniers et leurs bêtes. Trois buttes furent ainsi à l’origine de l’implantation de la ville.
Par la suite, des tertres furent bâtis de la main de l’homme pour accroitre les zones de protection ou bien en créer de nouvelles. C’est le cas à Tours de la « Tour Charlemagne » et du « tertre de Saint Martin ». Plus bas sur le cours de la Loire, après Tours, on retrouve également des buttes insubmersibles de type alluviales. Il est vrai que la présence du Tuffeau et des vallons rend plus difficile leur repérage. Là encore, le nom des lieux peut donner bonne indication. La racine « Peu » issu du mot « Puy » doit vous mettre la puce à l’oreille comme avec « Le Peu de Moulinotte » près de Chouzé ou « Le Moulin du Peu » près de Varennes.
Les « Peux » de la Vallée d’Anjou sont les derniers monticules alluviaux. À partir des Ponts de Cé, il en est terminé pour eux. Les appointements rocheux de schiste prendront le relais pour une protection plus efficace et plus repérable. De ce petit rappel, nous devons garder en esprit l’importance de la conservation du nom des lieux- dits et des rues. La fâcheuse habitude de vouloir les changer pour y glorifier les prétentions posthumes d’une célébrité qu’elle fut locale ou bien nationale n’est pas de nature à préserver ce bel héritage. « Tertre », « Motte », « Butte », « Borne », « Pierre Levée », « Cailloux », « Peux » sont des témoins précieux à préserver pour notre longue et riche histoire ligérienne.
À suivre …